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  J’entends déjà l’aveu funeste
  Qui de sa bouche va sortir,
  Et par moments je la déteste
  D’être obligé de lui mentir…

Etc.

Vous vous dites : « Ainsi, ce sont là les vers d’amour de ce monsieur ? Ce n’était pas la peine de tant se fatiguer sous mon balcon. Ah ! la singulière façon d’aimer ! »

Oui, ma cousine, la singulière façon ! C’est celle de M. Georges de Porto-Riche (l’auteur de la Chance de Françoise), dans un petit livre mélancolique, élégant et sec, avec un rien de brutalité au fond : Bonheur manqué. Le poète se figure aimer, soigne et cultive cet amour, séduit et subjugue une femme de bien, se fait souffrir, la fait pleurer et la plante là en lui disant des choses désagréables, — tout cela sans lui avoir jamais adressé la parole et sans l’avoir effleurée du bout du doigt. N’est-ce pas admirable ?

Mais voilà ! nous sommes, comme vous savez, des « cérébraux ». Et nous sommes aussi des « égotistes », ce qui revient à peu près au même. Ce petit livre est bien d’aujourd’hui, hélas ! C’est comme qui dirait l’Intermezzo de Robert Greslou (oh ! avant la période criminelle). Je vous l’envoie, cependant, — d’abord parce qu’il est très distingué, — et puis pour vous mettre en garde contre l’amour des hommes de lettres, principalement de ceux qui ont entre vingt-