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là, parmi le sombre des redingotes et des jaquettes et le chiffonnage joli des robes printanières, la majesté soudaine d’un grand burnous blanc…

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                                       G…, 2 juillet.

Je suppose, ma cousine, qu’un jeune homme soit amoureux de vous. Vous ne le connaissez que de vue et il ne vous a pas été présenté. Mais vous le rencontrez partout sur votre chemin. Il vit sous vos fenêtres. Quand vous sortez, il vous guette au coin de la rue. Bien qu’il ne soit qu’un mécréant, chaque fois que vous entrez à l’église, il est là, derrière votre chaise, et pendant que vous priez, vous sentez son regard sur votre nuque penchée…

Cela dure depuis huit ou dix mois. Je suppose que tout ce manège ne vous ait pas exaspérée, qu’il ait, au contraire, piqué votre curiosité, que vous vous soyez peu à peu intéressée à ce garçon bizarre et que, sur sa prière, vous ayez permis à des amis communs de vous le présenter. Je suppose enfin que, la veille du jour où l’on doit vous l’amener, un hasard fasse tomber entre vos mains le carnet mystérieux où ce jeune homme a noté ses impressions quotidiennes et toute l’histoire de cette passion. Ce sont des vers. Vous vous dites, avant de les lire, qu’ils sont probablement mauvais, mais que, puisqu’il vous adore, ce sont apparemment des vers fort amoureux.