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prêtre. Pas une lettre d’adolescent en peine à laquelle il ne réponde gravement et longuement (et je vous assure, ma cousine, qu’il faut pour cela un fier courage). Ce mondain raffiné sait, quand le devoir commande, secouer cette tyrannie : la peur du ridicule. Il l’a bien prouvé dans sa préface du Disciple. Ce languissant est dévoré de curiosité et d’inquiétude ; c’est, avec Maupassant, celui de nos écrivains qui voyage le plus et qui s’accommode le mieux de la solitude absolue. Enfin, si vous passez son œuvre en revue, si vous considérez l’austérité de quelques-uns de ses sujets, la probité scrupuleuse de l’exécution, l’effort continuel vers quelque chose de nouveau (sans nul souci du public qui aime qu’on recommence les mêmes choses), vous sentirez peut-être ce que tout cela suppose de volonté et d’énergie patiente.

Oui, vous dis-je, Bourget est un Auvergnat, — comme Pascal. Il a d’ailleurs le nez, il a le menton volontaire, le menton romain des hommes de sa province… Pourtant, ma cousine, je ne voudrais pas le faire plus Auvergnat qu’il n’est, et je tiens à vous dire que sa force est très enveloppée de grâce. Le poète des Aveux (si vous voulez lui être très agréable, parlez-lui de ses vers) a une extrême gentillesse de façons, beaucoup d’esprit, et du plus jaillissant (lui qui n’en met presque jamais dans ses livres), un visible désir de plaire, et, dans sa voix imperceptiblement et joliment nasillarde, quelque