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pensé que je me conformerais aux intentions de ce sage en cueillant quelques-unes de ses cerises. Pourtant, par un reste de scrupule, j’ai mis un sou au pied du cerisier.

Cette rencontre, très imprévue dans ces parages, d’un coin de campagne vraiment libre et ingénu, m’a rappelé un écriteau aperçu dernièrement boulevard des Invalides : Pâturage de la vacherie X… Et sans doute, ce pâturage n’est qu’un terrain vague entouré de planches, où l’herbe pousse comme elle peut sur les plâtras et les matériaux de démolition ; mais enfin il y a là des vaches, et un petit vacher (je les ai vus, entre deux becs de gaz, à deux pas d’un bureau d’omnibus) !

En continuant ma promenade, j’ai passé devant l’église de Suresnes, et les chants qui en sortaient m’ont averti que c’était la Fête-Dieu. Tout de suite j’ai pensé aux Fêtes-Dieu d’autrefois… Vous rappelez-vous les reposoirs qu’on faisait chez nous, et comme c’était amusant ? Une année, les hommes du bourg, qui n’étaient pourtant guère dévots, voulurent se signaler. Ils s’avisèrent de placer horizontalement, sur un pivot, une énorme roue de charrette, sur laquelle on construisit l’autel. Au moment donc où le curé éleva l’ostensoir, l’autel se mit à tourner et envoya sa bénédiction aux quatre points cardinaux, c’est à savoir vers Orléans, vers Blois, vers la Beauce et vers la Sologne. Cette année-là, ma cousine, vous étiez une des deux petites filles qui faisaient les deux