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et leur rire est plein d’innocence et de gentillesse. Ce sont de charmantes petites bêtes ; on dirait les sapajous sacrés d’un temple très lointain…

En réalité, il n’y en a qu’une qui me semble vraiment jolie et qui contente mes yeux d’Occidental. Et j’ai appris que c’est aussi la seule qui ait été honorée, là-bas, des faveurs du maître, et qui porte, à cause de cela, un casque en or ciselé. Les autres n’ont que des casques en cuivre.

On m’a dit que ces jeunes personnes ne s’ennuyaient pas du tout et qu’elles se parisianisaient grand train. Elles vous disent couramment : « Bonjour, monsieur, ça va bien ? » en tendant leur fine patte jaune. Chose singulière, elles ont l’« assent » ! Elles prononcent : « Ça va bieïn ? » Il est vrai que les îles de la Sonde, c’est encore le Midi, té !

Plusieurs fois elles sont allées en représentation dans des salons parisiens. Une fois qu’on leur demandait comment elles trouvaient les dames françaises, une d’elles a répondu : « Elles ont de belles robes, mais le nez trop long. »

Nos nez leur paraissent prodigieusement comiques. Aussi les poupées de leur guignol (qu’on voit au fond de l’estrade) ont-elles toutes des nez démesurés. Ces petites filles, en prenant leur sirop, avaient devant elles des têtes d’hommes tout à fait considérables : le docteur Charcot, le général Annenkof, Meissonier, Meilhac, etc. Eh bien, il est de toute évidence qu’elles les regardaient comme nous regar-