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de Peaux-Rouges vêtus d’oripeaux éclatants et que leurs chevelures flottantes font ressembler à de vieilles femmes, chevauchent éperdument, se précipitent, se heurtent, échangent des coups de fusil, prennent au lasso des chevaux sauvages, exécutent des danses bizarres. Ces formes aux couleurs crues, qui sautent, rampent et bondissent dans la lumière bleuâtre, ont quelque chose de violemment fantastique… Je songe, avec un peu de surprise, que ce sont là les Indiens d’Atala et des Natchez ; que Chactas fut l’un d’eux, et que c’est par eux que le pittoresque et l’exotisme sont entrés dans notre littérature…

J’imagine pourtant qu’ils sont meilleurs à voir là-bas, dans leur cadre naturel. Ils ont, ici, je ne sais quoi de forain. J’avais tort de parler des Indiens de Chateaubriand : ce sont tout au plus ceux de Gustave Aymard…

Partout, en ce moment, on nous montre des échantillons des peuples « estranges ». Ils nous amusent. Je me demande parfois si nous, nous les intéressons. Pas beaucoup, j’imagine. Même, nous ne les étonnons guère. J’ai constaté qu’en Algérie les indigènes regardaient nos chemins de fer et toutes nos inventions avec une parfaite indifférence. Les ayant dépassés, nous pouvons, nous, les comprendre ; et comprendre est un grand plaisir. Mais notre vie reste pour eux lettre close ; elle n’est, à leurs yeux, qu’une suite d’images assez ternes, auxquelles ils n’attachent aucune signification…