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figures ! J’ai souvent affecté de préférer aux chiens les chats discrets et silencieux. Depuis Gautier et Baudelaire, c’est là un goût tout à fait distingué… Mais pourtant, avouons-le, il y a, chez les chiens, une ingénuité, une cordialité, une ardeur de tendresse, une façon de se dresser vers vous en vous donnant tout leur cœur, à laquelle il est impossible de ne pas se rendre. On aime les chats comme on aime des objets — ou des dieux : on aime les chiens presque comme des hommes.

Les gens qui viennent visiter l’Exposition des chiens me plaisent aussi beaucoup. Je sais qu’il y a, parmi eux, quantité de gens de cercles qui ne pratiquent la campagne qu’un mois ou deux chaque année, et encore dans les conditions les plus artificielles ; mais je reconnais aussi, au passage, de vrais gentilshommes ruraux, des propriétaires terriens dont la vue me rafraîchit, me fait rêver de vie rustique, de chasses en Sologne, de déjeuners dans les vastes cuisines des fermes isolées. Et, rentré chez moi, je feuillette vite l’Homme libre, de Maurice Barrès, pour y retrouver une phrase qui m’a ravi à la première lecture. La voici : « J’adore la terre, les vastes champs d’un seul tenant et dont je serais propriétaire ; écraser du talon une motte en lançant un petit jet de salive, les deux mains à fond dans les poches, voilà une sensation saine et orgueilleuse. »

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