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caniches. Je suis allé le voir à l’Exposition des chiens. Je crois qu’il m’a reconnu ; du moins il passait son gros nez et ses deux grosses pattes à travers les barreaux, dans une intention visiblement bienveillante, tandis que ses yeux semblaient d’or rouge, à l’ombre de son épaisse toison noire. Et, quand je me suis éloigné, il s’est mis à hurler de la façon la plus touchante.

Le soir, selon vos ordres, je l’ai fait sortir et je l’ai promené moi-même. Je veux, ici, vous avouer une faiblesse. Autrefois, vous vous rappelez ? j’aimais bien Frimousse, parce qu’il était à vous ; mais ses aboiements et aussi la pétulance et la brusquerie de ses manières m’étaient souvent insupportables. Or, il était, hier soir, plus bruyant et plus agité encore que de coutume, et je ne me suis pas fâché un instant. Au contraire, je me disais : « Ah ! le gaillard ! En voilà un qui ne s’ennuie pas d’être au monde ! » D’où me venait ce sentiment nouveau ? Il n’y a pas à s’y tromper : Frimousse m’inspirait de la considération à cause de son premier prix. J’aurais voulu faire savoir à tous les passants que ce chien, mon chien, était officiellement le premier caniche de France…

Ce Frimousse est donc un bien bon chien. Et les autres chiens ne sont pas de mauvais chiens non plus. Il y en a, à cette exposition, qui sont si malheureux d’être séparés de ceux qu’ils aiment, qui montrent si naïvement leur douleur, et dont la plainte est si désespérée et si sincère ! Et ils ont de si honnêtes