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tement lisse, le glissement muet, la somptuosité des couleurs. Je suis sûr que, si on touchait leur peau du bout du doigt, on les sentirait élastiques et froides comme le python de Salammbô. Volontiers j’adresserais à l’une d’elles, à la plus grande, à celle qui a quinze ans (car je ne suis pas dépravé), les strophes de Baudelaire, au rythme si joliment boiteux :

  Tes yeux, où rien ne se révèle
        De doux ni d’amer,
  Sont deux bijoux froids où se mêle
        L’or avec le fer.
  À te voir marcher en cadence,
        Belle d’abandon,
  On dirait un serpent qui danse
        Au bout d’un bâton.

En sortant du village javanais, je rencontre une bouquetière… Vous savez, ma cousine, qu’on a fourré partout la tour Eiffel ; on en a fait des presse-papiers, des épingles à cravate, des encriers et des pipes. Mais voici qui est plus inattendu. Cette bouquetière vend des roses et des boutons de rose artificiels, où brille une goutte de rosée, en verre : et dans cette goutte de rosée il y a la tour Eiffel ! On l’y distingue en y appliquant l’œil et en tâtonnant un peu.

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                                       Paris, 27 mai.

Je vous félicite de tout cœur, ma chère cousine, du succès de votre chien Frimousse, premier prix des