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                                       Paris, 24 mai.

MA CHÈRE COUSINE,

On vous a déjà parlé, dans vingt journaux, des petites danseuses javanaises ; on vous a décrit leur costume ; on vous a dit ce qu’il y a d’étrange, de noble, de lent, de mystérieux, et de religieux, et de voluptueux, et de je ne sais quoi encore dans leur danse. Moi, une chose surtout m’a frappé : c’est que leur souplesse n’est pas de même espèce que celle de nos danseuses ou de nos gymnastes. Elle est, si je puis dire, plus intérieure et se trahit au dehors par des déplacements de lignes beaucoup plus lents et plus doux. Leurs bras fluets et ronds, couleur de vieil or, se déroulent ou se replient à la façon de reptiles, et comme s’ils étaient annelés. De même leurs mains et leurs doigts, qu’elles renversent et qu’elles écarquillent sans l’ombre d’effort, ont une flexibilité qui exclut toute idée d’ossature ou même d’articulation. Quand elles veulent, leurs avant-bras tournent sur leurs coudes dans tous les sens et se plient en arrière aussi bien qu’en avant. Leurs mouvements ne semblent pas se faire, comme les nôtres, par des systèmes de leviers ; mais on dirait que des ondulations continues et presque insensibles parcourent leurs membres… Outre cette intime souplesse, elles ont, du serpent, la peau serrée et parfai-