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taurant du boulevard ou de dîner dans une guinguette au bord de la Seine ! Dire qu’il a passé la meilleure partie de ses jours périssables à se montrer, et cela malgré la fatigue, la maladie, les migraines, les coliques et la fistule que vous savez, et qu’il n’a jamais eu un instant de défaillance ! Ah ! la rude parade royale ! Croyez que pour la soutenir ainsi, il fallait de l’héroïsme, tout simplement.

Je sais bien que, si on s’en rapporte à Saint-Simon, le roi imposait aux autres une parade plus impitoyable encore ; que, les jours de Marly, quand les courtisans et les dames s’étaient empiffrés (le roi exigeait qu’on s’empiffrât), il n’admettait pas qu’ils quittassent un seul moment dans la journée les carrosses et le cortège ni qu’ils se conduisissent autrement que comme de purs esprits. Au lieu que lui descendait fort bien de voiture et se postait royalement, devant tout le monde, au bord de la route… Et puis, s’il est ennuyeux, à première vue, de ne pouvoir faire un mouvement qui n’ait des témoins, il est peut-être agréable de penser que le moindre de nos mouvements est aux yeux des autres êtres une chose considérable…

C’est là, malgré tout, une volupté que j’ai peine à concevoir, moi qui, après le plaisir d’être avec vous, ma cousine, n’en sais pas de plus grand que d’être seul chez moi, — ou dans la rue.

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