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le jet central une sorte de cône éblouissant, et tantôt s’abaissent et semblent s’épanouir en fleurs de flammes, en tulipes surnaturelles. Et dans ces jaillissements et ces ruissellements splendides, toutes les couleurs flamboient : rouge, rose, bleu, vert, violet, mauve, soufre, tout cela d’un éclat ! ou d’une suavité ! Je ne dis point de mal des aurores boréales ni des couchers de soleil sur les glaciers (je n’en ai d’ailleurs jamais vu) ; mais soyez sûre, ma cousine, que, s’ils tiennent plus de place sous le ciel, ils ne sauraient égaler par l’intensité et la variété des couleurs les météores artificiels que je viens de vous décrire si pauvrement… Notez que les fantasmagories de la grande fontaine sont répétées par d’autres fontaines plus petites, tout le long du bassin. Représentez-vous maintenant, autour de ce lac miraculeux, un grand cercle sombre de foule pressée, où courent des frémissements d’admiration, et, çà et là, des traînées d’applaudissements. On est gagné par la contagion de cet enthousiasme, on fait « ah ! » et l’on reste la bouche ouverte comme les petits enfants ; on est parfaitement heureux.

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                                       Paris, 18 mai.

J’ai traversé les salons et les galeries de l’Élysée ; j’ai fendu lentement, avec patience, le flot des habits noirs, des uniformes, des épaules nues et des nuques