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sur les choses de l’amour physique, et qu’il ne lui arrivait jamais plus de les décrire pour elles-mêmes : soit dédaigneuse satiété, soit délicatesse secrète, éclose de ses récents attendrissements. Ce que je dis là, il est aisé de le constater dans ses deux derniers romans et jusque dans son dernier volume de nouvelles : la Main gauche.

Ces changements imperceptibles (mais que je ne crois pourtant pas inventer) se sont faits chez lui, fort heureusement, sans altérer en rien le calme et la sûreté de son regard. C’est toujours la même lucidité infaillible, la même prodigieuse faculté de saisir dans la réalité les traits significatifs, de ne saisir que ceux-là et de les rendre sans effort. Cet esprit est un miroir irréprochable qui reflète les choses sans les déformer, mais en les simplifiant, en les clarifiant aussi, et peut-être en faisant ressortir, de préférence, les liens de nécessité qui existent entre elles. Nulle affectation, ni romanesque, ni réaliste. Pas de casse-tête psychologique, peu de commentaires des actions, et des commentaires limpides comme eau de roche. Et qui sait si cette sobriété d’interprétation n’est pas conforme à la vérité des choses ? Une surface assez simple et des dessous incompréhensibles, n’est-ce pas tout l’homme ? Les psychologues de profession s’évertuent à percer ces dessous, mais ne leur arrive-t-il pas d’inventer, d’imaginer des nuances de sentiment et de secrets mobiles d’action ? pour le plaisir de les définir ?…