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dernier ! » Et, comme les habitants mettaient leur amour-propre à ce qu’elle fût aussi longue que possible, tout ce qui portait un képi, un galon, le plus vague semblant d’uniforme, se joignait au cortège, en sorte qu’une bonne moitié de la ville défilait devant l’autre. Et puis, à cette époque lointaine, il y avait un printemps tous les ans, et il faisait toujours beau ce jour-là… Y étiez-vous mercredi dernier, ma cousine ? Avez-vous eu l’heureuse candeur de faire le voyage ? Et est-ce aussi beau que quand nous étions petits ?

Je crois bien que l’histoire de Jeanne d’Arc est la première qui m’ait été contée (même avant les contes de Perrault), comme la Mort de Jeanne d’Arc, de Casimir Delavigne, est la première « fable » que j’aie apprise, et comme la Jeanne d’Arc équestre de la place du Martroi est peut-être la plus ancienne vision que j’aie gardée dans ma mémoire. Cette Jeanne d’Arc-là est absurde, j’en ai peur : elle a le profil grec, une manière de casque en pointe, et son cheval n’est pas un cheval : c’est un coursier. Mais je la trouvais tout à fait noble et imposante.

Il y avait aussi la Jeanne de la princesse Marie, dans la cour de l’Hôtel-de-Ville : une petite Pucelle bien douce et bien pieuse, qui serre contre son cœur la garde de son épée en guise de crucifix. Et il y avait enfin, au bout du pont de la Loire, sur une place qui s’appelle, je crois, la place des Tourelles, une Jeanne d’Arc guerrière, tumultueuse, les draperies envolées,