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Quelques personnes à qui j’en ai fait la remarque m’ont dit que Saint-Ouen n’est pas un point très éclairé. C’est possible, mais je crains qu’il n’y ait en France une foule de cantons qui, du moins en politique, ne soient pas beaucoup plus éclairés que Saint-Ouen.

Voilà pourquoi, par moments, je ne peux m’empêcher de voir, entre les rayons de ce beau soleil couchant, un nuage sombre frangé d’or d’où pourrait bien sortir un rokh qui emporterait tout. Enfin, continuons d’espérer en la raison, et croyez à ma vive amitié.

                                       ERNEST RENAN.
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                                       Paris, 13 mai.

Hélas ! ma chère cousine, j’allais l’oublier : voilà déjà cinq jours qu’on a célébré dans notre bonne ville d’Orléans la fête de la Pucelle. Cette procession du 8 mai est un de mes plus somptueux souvenirs d’enfance. Les tours de Sainte-Croix, éclairées au feu de Bengale, le feu d’artifice sur le fleuve, la veille au soir ; puis ces interminables panathénées orléanaises, avec des gendarmes, des soldats, des magistrats rouges, des robes blanches, et des bannières ! des bannières ! cela me semblait d’une extrême magnificence. On disait chaque année : « La procession a eu tant de mètres de plus que celle de l’an