Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’amuser d’enfantillages, cette pensée mélancolique ne serait pas de nature à nous la rendre moins poétique et moins suggestive.

Et puis, après tout, qui sait l’avenir ? Vous me supposez plus pessimiste que je ne le suis. Oui, je suis effrayé de voir une tradition aussi grandiose que celle de la royauté française remise à un souverain aussi borné, aussi étourdi, aussi accessible à la calomnie, aussi facile à surprendre que le peuple représenté par le suffrage universel. Mais je ne nie pas que l’heure présente n’ait ses avantages et ses douceurs. La liberté est plus grande qu’elle ne l’a jamais été dans notre pays, peut-être dans aucun pays du monde. Les critiques exagérées qu’on adresse au régime actuel viennent d’esprits qui ne connaissent pas le passé et ne se doutent pas de ce qu’amènerait l’avenir qu’ils appellent. Pourvu que cela dure !… Voilà la seule réserve que nous mettons à notre contentement. S’il ne s’agissait que de nos chétives personnes, nous aurions le droit d’être imprévoyants, hasardeux, téméraires. Mais il s’agit de la France, de son existence, de ses destinées. Au verso de la page du Temps, où je voyais ces consolantes descriptions de fêtes, ce beau discours de M. Carnot, je lisais, sous la rubrique Saint-Ouen :

  MM. le général Boulanger. . . 1.043 Élu
      Naquet, boulangiste. . . 981 Élu
      Laguerre, boulangiste. . . 981 Élu
      Déroulède, boulangiste. . 979 Élu