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un talent extraordinaire pour les exorcismes. Je voulus la voir, car la thaumaturgie m’intéressait alors au plus haut point.

« On me présenta à cette pieuse femme comme un malade possédé de très méchants esprits. Les choses marchèrent à merveille ; elle m’exorcisa avec le plus grand succès ; mais peut-être fûmes-nous dupes l’un et l’autre de notre bonne volonté.

« Elle était assez belle, et elle avait l’air d’une personne tout à fait sainte. Je ne sais jusqu’où s’étendait réellement sa puissance, mais je remarquai que, dans les salles où elle entrait, un parfum délicieux, une odeur d’encens se répandait aussitôt autour d’elle, et toute l’atmosphère en était imprégnée, quoiqu’on ne vit ni encensoir, ni brûle-parfums. Cette particularité, dont je me gardai bien de chercher les causes, me charma. Je me rappelai Élisabeth de Hongrie et les corps, tout embaumés d’innocence, des vierges de la Légende dorée.

« Or, quelques années après, je ne sais comment ni à la suite de quels événements, le couvent fut démoli, et l’on découvrit, dans l’épaisseur des murs, tout un système de conduits pareils à ceux de nos calorifères. Les parfums préparés dans les sous-sols du monastère étaient ainsi amenés dans les salles où se montrait l’exquise thaumaturge.

« Je fus désolé de cette découverte. »

Et le grand idéaliste ajouta : « Ne démolissons