Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est l’histoire d’une femme et d’une jeune fille qui souffrent et d’un homme qui les fait souffrir ; et elles sont bonnes, et il n’est pas méchant, et tous sont irresponsables, et tout cela est bien triste. Mais il est à remarquer que Mont-Oriol est déjà un drame, non plus une biographie complète comme les deux premiers romans de l’auteur, et que déjà, vers la fin, il y montre plus d’émotion qu’il ne lui était arrivé jusque-là d’en trahir. Et tout de suite après il nous donne Pierre et Jean, un drame serré, une lutte courte et déchirante entre la mère coupable et accusée et le fils inquisiteur et juge. Et je n’ai guère lu de pages plus émouvantes que celles où la mère se confesse à l’autre fils, le fils de l’amant.

Je ne saurais dire si c’est parce qu’il avait quitté le roman biographique pour le roman-drame que l’auteur de Bel-Ami a, dans ces derniers temps, paru s’attendrir, ou si c’est au contraire parce que l’expérience et les années l’avaient attendri, qu’il s’est intéressé davantage aux drames de la passion et qu’il a jugé qu’une seule crise dans une existence humaine pouvait faire le sujet de tout un livre : mais le fait est que son cœur, on le dirait, s’est amolli et que la source des larmes a commencé d’y jaillir. Et, en même temps qu’il apportait à la description des souffrances humaines un esprit plus fraternel, plus attentif, plus incliné, Maupassant devenait chaste. Je veux dire qu’il s’en tenait de plus en plus aux indications essentielles, indispensables,