Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est égal, si l’on nous avait demandé quelle a dû être la femme que Flaubert a le plus aimée dans sa vie, nous aurions répondu : C’était peut-être une duchesse, peut-être une bourgeoise, ou une vachère normande, ou une religieuse, mais jamais, au grand jamais, il ne nous serait venu en pensée que ce fût un bas-bleu, et de la pire espèce : à savoir Mme Louise Collet, née Révoil, aimée aussi de Villemain, et lauréate de l’Académie française pour des vers classico-romantiques, nuance Casimir Delavigne. La très longue liaison de Flaubert avec cette personne me paraît être une des meilleures facéties de l’ironique Providence qui nous gouverne. Mme Collet envoyait à l’auteur de Salammbô des petits contes gaulois, en vers de dix syllabes, dans la manière d’Andrieux. Et Flaubert les lisait, et il lui soumettait des corrections. Au lieu de ce vers :

 Et chaque année il avait un enfant,

il lui propose celui-ci :

 Et chaque année lui donnait un enfant,

sans s’apercevoir qu’il fait un vers faux.

Au commencement de chacune de ses lettres, Flaubert raconte qu’il vient d’écrire en huit jours deux pages de la Bovary, et cela, en passant les nuits, et avec des efforts de damné, suant, geignant, se