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et des crimes publics, jamais les hommes, non pas même peut-être dans le haut moyen âge, n’ont été plus sincères, plus naïfs, plus éloignés du dilettantisme. Il est certain aussi qu’on ne s’est jamais tant amusé que pendant la Révolution : toute l’imagerie populaire du temps en témoigne. La Révolution fut une vaste mascarade, ici solennelle et tragique, là carnavalesque et sensuelle. Elle fut terrible et joyeuse, comme quelque énorme mélodrame de l’Ambigu. La Liberté (si toutefois ce fut la Liberté) naquit chez nous, dans des flots de sang, avec une gaieté folle…

Et savez-vous bien, ma chère cousine, que la toilette des femmes aux environs de 93 est tout simplement délicieuse ?

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                                       Paris, 2 mai.

Je viens de feuilleter, ma chère cousine, le second volume de la correspondance de Gustave Flaubert. C’est excessivement amusant. Lisez-le. Je sais que vous aimez Flaubert et que certaines pages de cet impassible vous ont émue : la mort d’Emma Bovary ; ses promenades à Tostes, « jusqu’à la hêtrée de Banneville », avec sa chienne Djali ; la visite des femmes voilées aux tombeaux des martyrs chrétiens, dans la Tentation de saint Antoine….