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peintre Fernand Calmettes, qui est, par surcroît, un érudit et un écrivain. (Au fait, ce Calmettes-là, ma cousine, est justement l’auteur d’un livre qui vous a plu, qui est intitulé : Brave Fille, et qui est d’un brave homme.)

Je suis sorti de cette visite avec une petite fièvre. Il n’y a pas à dire, rien n’est prenant comme la Révolution. Elle vous souffle une sorte d’ivresse sombre, plus forte que la raison et que la pitié. Je me souviens que, tout enfant, je lisais l’histoire de la Révolution française dans deux beaux volumes dorés de M. Poujoulat, rédacteur à la Gazette de France. L’auteur, bien entendu, flétrissait tout le temps les révolutionnaires, et de la façon la plus énergique. Eh bien, malgré cela, son récit me grisait. La grandeur théâtrale des faits, le tragique et le pompeux de l’époque, les mots à la Plutarque, le mépris contagieux de la mort, la vie intense et furieuse… tout cela me montait au cerveau comme un vin brutal… Pour rendre la Révolution haïssable aux jeunes âmes, c’est bien de la flétrir, mais il ne faudrait pas la raconter. J’étais, à quatorze ans, un enfant doux et pieux, mais résolument jacobin et terroriste, pour avoir lu M. Poujoulat.

J’ai, depuis, changé de sentiment. Les robins féroces et de médiocre intelligence qui ont fait la Terreur ne m’ont plus inspiré que de l’horreur et du mépris. J’ai même douté quelquefois des « bienfaits de la Révolution » ; je me suis diverti à être amoureux