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Une autre fois, M. d’Aurevilly dînait en ville. Quand le domestique lui offrit la poularde rôtie, il en prit un morceau avec ses doigts et le déposa sur la nappe. Il avait cru, ne voyant plus très clair, que c’était du pain qu’on lui présentait. Lorsqu’il reconnut sa méprise, il n’eut pas un moment de gêne ni d’hésitation, et dit simplement :

— Dans nos dîners de chasse, à Valognes, c’est ainsi que nous avons coutume de nous servir !

Encore une, voulez-vous ?

Un soir d’été, Barbey d’Aurevilly se promenait avec Bourget aux Champs-Élysées ; ils abordèrent par amusement une jeune personne qui se trouva être une écuyère du cirque, et M. d’Aurevilly lui tint aussitôt des propos éblouissants et bizarres. La petite femme trouva ce vieux si « rigolo » que, pour marquer sa joie, elle le saisit à bras-le-corps, le souleva (car elle était robuste et râblée), le secoua en l’air comme un polichinelle cassé, puis le reposa à terre en s’esclaffant. M. d’Aurevilly ne se troubla point pour si peu de chose ; mais, fort tranquillement et d’un air de dignité indulgente :

— Elle est familière, dit-il.

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                                       Paris, 28 avril.

M. Henry Becque publie, en deux volumes, son théâtre complet. Je viens de relire les Corbeaux. Je n’ai nullement retrouvé, dans cette comédie du maître,