Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

Plusieurs prétendent qu’il tint à cette époque un magasin de chasubles dans la rue Saint-Sulpice. Mais les preuves font défaut.

Enfin, on ne saura jamais si cet homme mystérieux soutenait un rôle (très noble et très innocent, d’ailleurs), ou s’il fut sincère, ni dans quelle mesure il le fut et ce qui se mêlait de gageure à sa sincérité ou de candeur à sa comédie.

Il emporte avec lui ces trois secrets.

Les chroniqueurs vont rappeler ses mots. En voulez-vous quelques-uns ? Je vous avertis qu’ils perdent à être écrits. Ils valaient beaucoup par la voix, l’accent, le sang-froid, la majesté du personnage.

Un ami le rencontre un matin, corseté et la taille cambrée suivant son habitude :

— Parbleu, monsieur d’Aurevilly, vous voilà merveilleusement sanglé dans cette redingote !

Il répondit :

— Monsieur, si je communiais, j’éclaterais !

Une fois, Barbey d’Aurevilly racontait qu’il avait connu dans sa jeunesse l’abbé de la Croix-Jugan (le héros de l’Ensorcelée). L’abbé commandait alors je ne sais quelle milice royale ; il était épouvantable à voir, le visage labouré de cicatrices et les deux mâchoires soudées l’une à l’autre, en sorte qu’il ne pouvait parler.

— Mais alors, comment s’y prenait-il pour commander sa troupe ?

— Il rugissait, Monsieur !