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plus aisément du monde. Il y a, chez beaucoup d’entre eux, un désenchantement, une diminution notable du plaisir de régner.

Beaucoup, déjà, affectent de vivre comme des particuliers. On dirait que cela les gêne d’être à part, qu’ils ont un désir inavoué de revenir à la vie normale, que la solitude de leur majesté leur pèse, qu’ils en ressentent plus d’ennui que d’orgueil. Pensez-vous que S. A. le prince de Galles soit fort impatient de devenir roi d’Angleterre et empereur des Indes ? Je soupçonne que cela le gênerait infiniment. Voilà quarante ans que ce prince philosophe fait, autant dire, partie du tout-Paris. Il doit tenir avant tout, étant un sage, à la liberté de ses allées et venues. — Il y a trois semaines, deux archiducs de Russie déjeunaient, non loin de Paris, chez un baron israélite, chez un coreligionnaire de ceux que les moujiks même méprisent et qu’ils massacrent encore quelquefois.

L’almanach de Gotha fréquentant familièrement chez l’almanach du Golgotha, c’est là un grand signe.

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Non seulement la plupart des princes vivent comme nous (et s’ils gardent autour d’eux quelque reste de cérémonial, c’est par nécessité ou par devoir, et les pompes mystérieuses de la cour de Louis XIV leur seraient à tous insupportables), mais ils sentent comme nous, ils ont toutes nos maladies morales. Il y a une impératrice,