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étranger ; et, d’ailleurs, mes sujets m’ont dépossédé avec les plus grands égards. C’est au Brésil que je régnais. Mais je dois confesser que je résidais peu dans mon empire. Il me plaisait davantage de faire de longs séjours à Paris, dans cette capitale des sciences et des arts, où la vie est si douce et si noblement occupée, et où j’ai des amis excellents. J’y étais toujours fort bien reçu ; et j’ai plaisir à vous apprendre (pardonnez-moi cette innocente vanité) que je suis membre d’une des Compagnies savantes établies jadis par le roi Louis XIV.

« Lorsque je rentrais dans mes États, je travaillais de mon mieux au bonheur de mes sujets, et je tâchais de les faire profiter de ce que j’avais appris au cours de mes voyages. Mais j’y apportais sans doute trop de zèle, et je vois bien maintenant que je me rendais importun à mes ministres et à mon peuple en m’occupant trop minutieusement des affaires publiques, après les avoir trop longtemps négligées. Né sensible, j’abolis dans mon empire l’esclavage, qui est une des hontes du genre humain. Mais, pour avoir accompli trop brusquement ce grand acte de justice, je mis dans l’embarras beaucoup de propriétaires ; et la plupart des esclaves affranchis ne surent que faire de leur liberté inopinée. Ce que j’avais de vertu se retournait contre moi. Je m’appliquais tant à me conduire en citoyen que je faisais paraître inutile l’institution monarchique.