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à laquelle il est seul à croire, et qu’il est seul à comprendre, — quand il la comprend ».

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J’exagère ? Oh ! à peine. Il fallait bien forcer un peu les traits pour vous rendre mieux reconnaissable ce monstre : le jeune homme de lettres en cette fin de siècle. S’ils n’en sont peut-être pas tout à fait là, c’est là qu’ils vont. Il y en a toujours bien un sur deux qui est fait sur ce modèle ; et c’est fort inquiétant.

Il y a vingt ans, nous récitions en classe ces vers de l’Art poétique :

  Fuyez surtout, fuyez ces basses jalousies,
  Des vulgaires esprits malignes frénésies.
  Un sublime écrivain n’en peut être infesté ;
  C’est un vice qui suit la médiocrité…

Et encore :

  Que les vers ne soient pas votre éternel emploi,
  Cultivez vos amis, soyez homme de foi.
  C’est peu d’être agréable et charmant dans un livre,
  Il faut savoir encore et converser et vivre.

Ô vieux Boileau, que dirais-tu de ces jeunes gens ? Et quelle horrible vanité, de sacrifier la vie même et tout ce qui lui donne son prix véritable à d’inutiles et inintelligibles transcriptions de la vie !