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décrire les sensations d’un infirme qui regarde passer les gens à travers une lucarne.

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Jadis, à vingt ans, nous savions admirer. Nous étions respectueux des maîtres. Nous aimions naïvement les grands classiques ; nous aimions Lamartine, Hugo, Musset, Sand, Michelet, Taine, Renan. Même d’humbles dramaturges, tels qu’Augier ou Dumas, ne laissaient pas de nous inspirer quelque considération.

Mais rien n’est plus rogue, plus pédant, plus tranchant, plus prompt au dénigrement que Servaise et ses émules. Ces jeunes gens ont des dédains aussi inattendus que leurs admirations, et celles-ci sont aussi rares que ceux-là sont étendus, et aussi agressives qu’ils sont écrasants. Ce sont moroses cervelles de fanatiques qui haïssent et méconnaissent tout ce qui ne leur ressemble pas. Eux qui ne savent rien, qui n’ont même, le plus souvent, aucune connaissance historique de la langue (et il y paraît à la barbarie de leur syntaxe et aux impropriétés de leur vocabulaire), ils ont des mépris imbéciles et entêtés pour les plus beaux génies et pour les plus incontestables talents, dès qu’ils ont reconnu ces dons abominables : le bon sens, une vision lucide des choses et l’aisance à la traduire. Lisez là-dessus, pour vous édifier, la plupart des jeunes revues littéraires : elles suent le pédantisme le plus âcre et la plus sotte intolérance.