Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

huitième siècle, même depuis les romantiques et les parnassiens, ce mal a fait chez nous d’étranges et effroyables progrès.

Les causes ? On en voit tout de suite deux principales. C’est d’abord la vieillesse de la littérature, qui rend l’invention plus difficile en effet, plus inquiète, plus tourmentée, et qui fait ainsi, d’une certaine excitation maladive des nerfs, une des conditions de « l’écriture artiste ».

Il y a aussi ce fait que la littérature, plus lucrative de nos jours qu’elle ne l’a jamais été, apparaît de plus en plus comme une profession à laquelle il est avantageux de se vouer exclusivement : et de là le nombre toujours croissant des jeunes écrivains, un pullulement prodigieux, une concurrence âpre, amère, enragée.

Le résultat est lamentable.

Autrefois, un écrivain était le plus souvent un honnête homme qui faisait des livres, et qui, le reste du temps, vivait comme les autres hommes ; et cela d’autant mieux qu’il avait besoin, pour réussir, de se mêler à la société polie de son temps, et de se distinguer d’elle le moins possible.

Aujourd’hui, les jeunes littérateurs forment réellement une nouvelle variété de la race humaine. Je les vois marqués d’un pli professionnel plus spécial encore que celui des innocents Trissotins de jadis, — bien plus profond que celui des prêtres,