Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’autres preuves que leurs affirmations et leur chétive expérience.

Il est monstrueux que des millions d’hommes passent dans les casernes les plus vivaces années de leur jeunesse, de façon qu’en additionnant ce qu’ils coûtent et ce qu’ils pourraient produire, on constate une perte annuelle de dix milliards pour le bien-être de la pauvre humanité occidentale. Le bon tyran de nos rêves méditerait le désarmement de tous les États de l’Europe ; et comme il serait sincère, comme il serait assez fort pour le proposer et même pour le commencer, on le croirait.

Un autre acte, bien entendu, serait lié à celui-là. Nous observons loyalement le traité signé par nous ; mais le juger irrévisable serait au-dessus de nos forces, et, d’ailleurs, nous n’en aurions pas le droit. Un attentat a été commis il y a vingt ans contre la plus chère liberté de près d’un million d’hommes. Le doux et pieux autocrate que je me figure rendrait à ces hommes leur patrie, ou, du moins, leur indépendance. Il considérerait que, si des iniquités ont été commises contre ses pères il y a quatre-vingts ans, Dieu ne permet plus d’en tirer vengeance, justement parce que l’humanité a quatre-vingts ans de plus, et que, du reste, les événements les avaient déjà réparées.

Sans doute, ma naïveté excitera le sourire des politiques. Cet invraisemblable Empereur devrait vaincre une telle masse de préjugés traditionnels et