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Ce qu’un gouvernement démocratique hésiterait à faire (peut-être parce qu’il ne serait pas assez sûr de pouvoir limiter les conséquences d’un essai de cette espèce) ; ce que n’avait pas osé chez nous un César aux tendances socialistes, issu du suffrage universel, il l’a fait, lui, Empereur de droit divin.

Je sais bien que la Conférence de Berlin n’aura été qu’une cérémonie ; qu’elle aura peu de résultats, ou que, si elle en doit avoir, ils seront indirects et inattendus ; je sais bien que les membres de la Conférence, surpris et gênés de se trouver ensemble, se borneront à constater que le sort des ouvriers est digne d’intérêt, qu’il ne faut pas faire travailler les enfants de cinq ans, qu’il est excellent de se reposer le dimanche, et autres vérités de cette force.

Qu’importe ? le fait d’avoir convoqué cette réunion probablement inutile n’en est pas moins significatif. Je ne crois pas qu’un prince ait jamais affirmé plus hautement ses devoirs et, parmi ses devoirs, celui auquel les princes pensent généralement le moins.

Et, ce qui est tout à fait remarquable, c’est que, cherchant les moyens de remplir sa mission de chef absolu d’un grand peuple, l’Empereur a appelé à ses conseils des républicains de France, dont un jacobin et un anarchiste.

Bref, il vient d’accomplir un acte, non pas allemand, mais purement humain, comparable, dans son essence, aux actes de la Révolution française.