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trai Maupassant un jour, au moment où il repartait pour Paris. Maupassant l’affirme. Moi, je ne sais plus, ayant la mémoire la plus capricieuse du monde. Mais je me souviens nettement que Flaubert me parla avec enthousiasme de son jeune ami et qu’il me lut, de sa voix tonitruante, une pièce qui figura, quelques mois après, dans le premier volume de Maupassant : Des vers. C’était l’histoire de deux amants qui se séparent, après une dernière promenade à la campagne ; lui brutal, elle désespérée et muette. Je trouvai que ce n’était pas mal : la méfiance que m’inspirait l’admiration débordante du vieux Flaubert m’empêcha de voir que c’était même très bien.

Maupassant était alors employé au ministère de l’instruction publique. C’est là qu’un jour je lui fis visite de la part de son grand ami. Il fut très simple et très doux (je ne l’ai jamais vu autrement). Mais il se portait très bien, un peu haut en couleur, l’air d’un robuste bourgeois campagnard. J’étais bête ; j’avais des idées sur le physique des artistes. Puis, à cette époque déjà, Maupassant n’éprouvait aucun plaisir à parler littérature. Je me dis : « Voilà un très brave garçon, » et je m’en tins là dans mon jugement.

Un an après, j’étais à Alger. Maupassant vint me voir, accompagné de Harry Alis (l’auteur de Petite ville et de ces fines et originales études : Quelques fous). Maupassant continuait à avoir très bonne mine. Les Soirées de Médan venaient de paraître, mais je