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rat, — un joli rat aux dents pointues pour vous grignoter les lèvres, le nez, les yeux, lentement, avec des pauses…

Ce qui fait de ces misérables un objet d’horreur vraiment douloureuse, c’est qu’ils ne sont pas seulement affreux, ils sont grotesques. J’aime mieux les nègres les plus dégradés de l’Afrique la plus reculée. Ah ! les Zoulous me sont maintenant doux à voir, et je baiserais les Achantis sur la bouche ! Ceux-là du moins ne sont que des brutes ; ils ne sont pas ridicules. Mais il y a, chez ces hommes jaunes, quelque chose qui serait risible si leur vue ne serrait le coeur et n’emplissait les yeux d’épouvante. Étant des magots qui vivent, ils sont beaucoup plus laids que des brutes, et plus inquiétants. Même la petitesse surprenante de leurs mains devient un sujet de dégoût et d’effroi. Elle les fait ressembler à des pattes de lézard. Elle donne la sensation de bêtes incomplètes, ratées. On dirait des mains qui sont en train de repousser, comme les pattes des crustacés, et qui n’ont pas encore atteint leur entier développement. Elles achèvent, ces délicates mains, de donner à ces immondes créatures un aspect de monstres.

Cependant tant de niaiserie flotte dans l’air au temps où nous sommes ; l’idée et le respect de cette vieille « couleur locale » chère aux romantiques ont pénétré dans tant de cervelles, même bourgeoises, que beaucoup de badauds s’extasient sur le pittoresque de ces monstres, et particulièrement sur la ri-