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                                       25 novembre.

L’Intransigeant publie un article de M. Rochefort où le général est traîné dans la boue.


                                       30 novembre.

Le général parcourt les journaux de Paris. Il constate avec stupeur que, pour la première fois depuis deux ans, le nom de Boulanger, le mot « boulangisme », même le mot « boulange » ne figurent dans aucun journal.

Il n’en croit pas ses yeux et reprend toutes les feuilles l’une après l’autre. Il ne s’est pas trompé, aucune ne le nomme, pas même pour l’insulter. Il passe une nuit atroce, et s’aperçoit, le lendemain matin, que sa barbe blonde est toute grise.


                                       25 décembre.

Il se promène, le soir, sur les rochers au bord de la mer. Il songe que, il y a vingt ans, un autre exilé faisait ainsi… Une voix mystérieuse, qu’il voudrait bien ne pas entendre, lui murmure à l’oreille :

— Celui-là portait sous son front les Contemplations, la Légende des Siècles et les Misérables. Il existait par lui-même, et magnifiquement. Mais toi, qu’as-tu fait ? Tu n’étais rien. Tu n’étais qu’un nom, le nom donné par les mécontents à leurs espérances ou à leurs convoitises, à leurs passions bonnes ou mauvaises. Ta popularité n’était faite que de leurs illusions.