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ces trente pages abondantes en redites finiront — peut-être — par évoquer dans votre esprit, c’est tout bonnement la vision de la vieille forêt vierge classique, celle que Chateaubriand décrit en cent lignes et Lamartine en deux cents vers (dans la Chute d’un Ange) ; mais combien moins nette chez le journaliste yankee que chez nos deux compatriotes ! Bien entendu, je ne compare point le talent d’expression, ne me faites pas dire une sottise : je ne parle que de la clarté du tableau.

(Joignez que, si la forêt était partout telle que M. Stanley la montre, j’ai peine à imaginer que la caravane eût pu y faire en moyenne, comme nous le voyons, sept kilomètres par jour.)

Voulez-vous un exemple de cette rhétorique de reporter excité ? L’auteur nous décrit une tempête dans la grande sylve :

«… On entend hurler et mugir, gémir et soupirer : des clameurs aiguës, des bourrasques se mêlent à la plainte du bois. Les monarques sylvains brandissent leurs bras puissants ; leurs sujets inclinent le front jusqu’à terre, et la feuillée s’agite comme pour célébrer la valeur des ancêtres. Une pâle lumière verdâtre se joue sur les jeunes troupes entraînées au combat par l’exemple des aînés. Notre âme se passionne à ce spectacle, etc… »

C’est encore pire quand l’auteur s’avise d’avoir des « pensées ».

Exemple : « Plus j’acquiers l’expérience de la na-