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peut s’entendre des tours de force de la volonté tout aussi bien que des crimes. Je ne dis point cela pour rabaisser les voyageurs de commerce du siècle prochain. Je fais seulement remarquer que l’endurance ni l’énergie déployée ne sont point l’unique mesure de la beauté des actes.

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Je reviens à M. Stanley. Un de mes griefs (si l’on en peut avoir contre un tel homme) est celui-ci. Les grandes choses qu’il a faites ou qu’il a vues, il ne les raconte jamais simplement, et cela en diminue un peu la grandeur.

La Réclame de tous les pays du monde nous l’a garanti « grand écrivain ». Hélas ! je voudrais tout au moins qu’il fût un écrivain exact, clair et bonhomme. Ses récits en seraient beaucoup plus émouvants ; et nous aurions beaucoup plus de plaisir, nous mettrions plus de promptitude à y croire. Car alors ils ne seraient pas seulement vrais : ils auraient l’air de l’être, ce qui est un grand point.

Mais, comme j’ai dit, ces récits et ces descriptions sont étrangement dénués de simplicité. Outre que la multiplicité mal ordonnée des détails précis produit, au bout du compte, l’ensemble le plus indigeste, la forme est presque partout insupportable d’emphase et de prolixité. C’est un échauffement factice de reporter à demi lettré qui s’évertue à « chercher l’effet ». Tous les journaux ont vanté le chapitre où est décrite la grande forêt du Congo. Lisez-le… Ce que