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tion. Je crois que cela est légitime, je ne vois pas que ce soit héroïque. Les expéditions de M. Stanley sont, à aller au fond des choses, des entreprises commerciales, — dont le bénéfice est, je le sais, à longue échéance, ce qui leur communique une certaine beauté ; mais enfin les actes, pris en eux-mêmes, sont ici fort supérieurs aux pensées.

La grande exploration, qui ressemblait jadis à une croisade, relève aujourd’hui du négoce, auquel elle prépare les voies. Elle tend à devenir une fonction du commerce moderne, — la plus noble, puisqu’elle en est la plus périlleuse. Mais cette noblesse même ne peut guère aller qu’en diminuant.

Avant cinquante ans, l’exploration sera presque un métier. Ce sera la forme nouvelle du condottiérisme. Les natures violentes, batailleuses et particulièrement douées d’énergie physique, les hommes qui, il y a trois ou quatre siècles, eussent été mercenaires dans les armées d’Europe, seront voyageurs au service des grandes nations commerciales. Ce sera intéressant, ce sera utile : ce ne sera pas nécessairement admirable.

Des mobiles inférieurs et purement égoïstes peuvent produire des actions d’une énergie surprenante. Grandet et Gobseck sont des hommes d’un très grand courage, à leur façon. Le vieux mot :

 ….. Quo non mortalia pectora cogis,
Auri sacra fames !