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parce que, comme je l’ai écrit, « un géant cherche en vain le sommeil dans un lit étroit, et un grand esprit le repos dans un milieu mesquin… Mais, quoique vous m’ayez fait plus grand que Daniel Darc, la comtesse Diane et M. Valtour, de l’Illustration, je ne suis qu’un pur néant devant vous, Seigneur ! Que si j’égale La Bruyère et La Rochefoucauld, je ne veux point le savoir ; car, plus magnifiques sont les dons que vous m’avez départis, et plus je vous en devrai un compte rigoureux. Alphonse Lemerre me trouvait supérieur à Vauvenargues, et j’ai bien vu que je faisais de l’impression sur les poètes qui venaient chez lui… Mais moi, Seigneur, je sais que, sans vous, je suis plus vil que la poussière des chemins. Ne permettez pas que je l’oublie jamais, et sauvez-moi du péché d’orgueil. La tentation est si forte pour les grands esprits ! »

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M. l’abbé Roux ne m’en voudra pas. Il considérera que c’est peut-être le Ciel qui l’avertit par une bouche profane. Au reste, je veux bien en faire l’aveu. Il y a grande apparence que nous avons tous, nous qui écrivons, une vanité littéraire pour le moins égale à la sienne. Seulement nous la cachons mieux ; nous ne l’exprimons pas, en général, par des préfaces, mais par des actes, par toute notre conduite et par le mal que nous disons de nos confrères. Puis, nous savons un peu mieux les choses ; nous n’avons pas les illusions de l’abbé sur la valeur et la portée des