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« instrumentiste » qui était venu lui rendre visite :

— Pardonnez-moi. J’essaye de comprendre ce que vous voulez faire. Vous ne considérez, n’est-ce pas, que la valeur musicale des mots, sans tenir compte de leur sens ?

Le bon jeune homme répondit :

— Nous en tenons compte dans une certaine mesure.

— Mais alors, dit Sully, prenez garde : vous allez être obscurs.

Dans quelle mesure les jeunes symbolards tiennent encore compte du sens des mots, c’est ce qu’il est difficile de démêler. Mais cette mesure est petite ; et, pour moi, je ne distingue pas bien les endroits où ils sont obscurs de ceux où ils ne sont qu’inintelligibles.

Pourtant, dans toute erreur il y a, comme dit Shakespeare, une âme de vérité. Si ces jeunes gens voulaient être raisonnables, s’ils ne gâtaient point par de damnables exagérations l’évangile qu’ils nous apportent, on s’apercevrait qu’ils ont fait deux belles découvertes et bien inattendues (car il n’y a guère plus de six mille ans qu’on les connaissait).

Ils ont découvert la métaphore et l’harmonie imitative[1] !

  1. Je sais que, parmi les poètes connus sous le nom de décadents, il y en a qui se laissent lire et qui ont du talent. Mais ceux-là ne sont, en somme, que des disciples plus ou moins habiles de Baudelaire, et j’ai pensé qu’il n’était point utile de parler d’eux.