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qu’il en a su donner, il nous apprend que les choses n’ont de prix que celui que nous leur attachons, et que « l’idéalisme est le vrai ». Et comme, ayant pris la mieux reconnue des vanités, il a su l’égaler aux occupations qui passent pour les plus nobles, il nous fait aussi entendre par là que tout est vain.

Seulement, pour que le dandy soit tout ce que j’ai dit, une condition est nécessaire : il ne faut pas qu’il soit dupe de lui-même. Il faut qu’il ait conscience de la profonde ironie et du paradoxe effrayant de son œuvre. M. d’Aurevilly en a-t-il conscience ?

C’est la question que je me pose sans cesse en parlant de lui. Et de là mon embarras. Est-il dupe des sentiments extraordinaires qu’il affiche, de son dandysme, de son catholicisme, de son satanisme un peu enfantin, de ses préjugés sur l’aristocratie ? Qui distinguera son masque de son visage ? Je crois que ce qu’il y a de sincère en lui, c’est le goût de la grandeur, de la force, de l’héroïsme, et la joie de se sentir « différent » de ses contemporains. Il a certes l’imagination puissante et parfois épique (le Chevalier Destouches). Mais l’outrance énorme et continue de son expression donne à tous ses livres un air théâtral, une apparence d’artifice. Il a beau avoir de terribles trompettes dans la voix et faire des gestes tout à fait sublimes, je suis effrayé de voir à combien peu se réduit le noyau substantiel de ces œuvres redondantes. Parmi des affirmations d’idéalisme et de foi catholique ou aristocratique développées avec furie,