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par les airs », comme d’autres par les talents, par la force, par la richesse. Il se fait, avec rien, une supériorité mystérieuse que nul ne saurait définir, mais dont les effets sont aussi réels et aussi grands que ceux des supériorités classées et reconnues par les hommes. Le dandy est un révolutionnaire et un illusionniste.

Mais il y a plus : cette royauté des manières, qu’il élève à la hauteur des autres royautés humaines, il l’enlève aux femmes, qui seules semblaient faites pour l’exercer. C’est à la façon et un peu par les moyens des femmes qu’il domine. Et cette usurpation de fonctions, il la fait accepter par les femmes elles-mêmes et, ce qui est encore plus surprenant, par les hommes. Le dandy a quelque chose d’antinaturel, d’androgyne, par où il peut séduire infiniment.

Au reste, le dandy est très réellement un artiste à sa manière. C’est toute sa vie qui est son œuvre d’art à lui. Il plaît et règne par les apparences qu’il donne à sa personne physique, comme l’écrivain par ses livres. Et il plaît tout seul, sans le secours d’autrui. Ce n’est pas, comme le comédien, la pensée d’un autre qu’il interprète avec sa personne et son corps. Aussi le vrai dandy me paraît-il venir, dans l’échelle des mérites, au-dessus du grand comédien.

Enfin, la fonction du dandy est éminemment philosophique. Comme il fait quelque chose avec le néant, comme ses inventions consistent en des riens parfaitement superflus et qui ne valent que par l’opinion