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Cette croyance, si triomphalement affichée, à l’action du diable et à son ingérence dans les affaires humaines, peut paraître piquante, surtout quand on se rappelle le caractère si peu chrétien du catholicisme de M. d’Aurevilly. Mais tout cela est au fond, assez innocent. Il me semble même que celui qui, croyant au diable, l’aimerait par enfantillage et romantique bravade, ne serait pas, après tout, un être si diabolique ; car il resterait un croyant, il aurait de l’univers une conception très ferme et très décidée : il ne serait qu’un manichéen qui s’amuse à faire un mauvais choix. Le vrai satanisme, c’est la négation de Satan aussi bien que de Dieu, c’est le doute, l’ironie, l’impossibilité de s’arrêter à une conception du monde, la persuasion intime et tranquille que le monde n’a point de sens, est foncièrement inutile et inintelligible… De ce satanisme-là, il y en a plus dans telle page de Sainte-Beuve, de Mérimée ou de M. Renan, que dans ces ingénues Diaboliques.

Le plus fâcheux, c’est que le surnaturel des histoires de M. d’Aurevilly est la suppression de toute psychologie. Le farouche écrivain développe, exprime violemment, abondamment — et longuement — les actes et les sentiments de ses personnages : il ne les explique jamais, et ne saurait en effet les expliquer sans éliminer le diable — auquel il tient plus qu’à tout. Or il semble bien que M. d’Aurevilly prenne pour profondeur cette absence d’explication.