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péché de malice, quelque chose de bâtard et de contradictoire : le péché de malice sans la foi, le plaisir de la révolte par ressouvenir et par imagination. On ne croit plus, et pourtant certains actes mauvais semblent plus savoureux parce qu’ils vont contre ce qu’on a cru. Par exemple, le ressouvenir des obligations de la pudeur chrétienne, encore qu’on ne se croie plus tenu par elles, nous rend plus exquis les manquements à cette pudeur. Nous concevons plus vivement, en effet, nous nous représentons dans un plus grand détail et nous perpétrons avec plus d’application l’acte qui passe pour péché que celui qui est moralement indifférent. L’idée de la loi violée (même quand nous n’y croyons plus) nous fait plus attentifs aux sensations dont la recherche constitue la violation de cette loi, et par conséquent les avive, les affine et les prolonge. C’est pourquoi, depuis Baudelaire, beaucoup de poètes et de romanciers se sont plu à mêler les choses de la religion à celles de la débauche et à donner à celle-ci une teinte de mysticisme. Il est vrai que ce mysticisme simulé peut quelquefois redevenir sincère ; car la conscience de l’incurable inassouvissement du désir et de sa fatalité, le détraquement nerveux qui suit les expériences trop nombreuses et qui dispose aux sombres rêveries, tout cela peut faire naître chez le débauché l’idée d’une puissance mystérieuse à laquelle il serait en proie. Dans l’antique Orient, les cultes mystiques ont été les cultes impurs. Cette alliance de la