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et ses rapports cachés ou visibles avec le milieu où il se développe, sont curieux à étudier ; mais c’est bien long, Balzac. Oui, « le monde physique existe, » et il y a des arrangements de mots qui peuvent ressusciter dans notre imagination les objets absents ; mais c’est bien long, Gautier. Oui, nous sommes enveloppés de mystère, et souvent notre raison côtoie la folie ; mais c’est bien long, Edgar Poë. Oui, l’humanité dans son fond est abominable et féroce, et la nature n’a jamais connu la justice ; mais c’est bien long, Zola, — et c’est bien gros. — Des artistes abondants nous décrivent le monde ou les hommes avec un luxe de détails dont nous n’avons que faire ; car, nous aussi, nous savons regarder. Ils nous étalent leurs sentiments avec une insistance et une indiscrétion qui nous rebutent : car, nous aussi, nous savons sentir. Il nous suffisait d’être avertis, et « tout ça, c’est de la littérature. »

Or, lisez les courts récits de Mérimée. Mécanisme des passions, brutalité des instincts, caractères d’hommes, paysages, tristesse des choses, effroi de l’inexpliqué, jeux de l’amour et de la mort, tout cela s’y trouve noté brièvement et infailliblement, dans un style dont la simplicité et la sobriété sont égales à celles de Voltaire, avec quelque chose de plus serré, de plus prémédité, de plus aigu. Le choix des détails significatifs, le naturel et la propriété de l’expression y sont admirables. Cela ne paraît pas « écrit », et cela est sans défaut. C’est