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était saine, et l’on devinait, sous la robe mal taillée, un corps robuste de belle campagnarde… Elle sentait encore le village, et avait dû débarquer tout récemment sur le trottoir. »

Il l’aborde, lui offre un bock. Mais elle laisse son verre à moitié plein et finit par lui avouer qu’elle n’aime pas la bière. Il lui propose de souper dans une brasserie du quartier ; elle accepte docilement, l’appelle « Monsieur » et ne le tutoie pas.

Mais, en chemin, voyant son compagnon très poli et le sentant presque aussi timide qu’elle, elle s’enhardit, lui explique qu’elle est de la campagne, des environs de la Ferté-sous-Jouarre ; que ses parents, de petits cultivateurs, la croient en service à Paris ; et que, ayant tué leur porc à l’occasion de la Noël, ils lui ont envoyé tout un panier de provisions « pour faire une politesse à ses bourgeois ».

— Je n’ai pas encore pu y goûter, continue-t-elle. Manger ça toute seule… ça durerait trop longtemps… Et puis ça me ferait trop gros coeur… Alors, Monsieur, si ça ne vous gênait pas… au lieu d’aller à la brasserie, nous rentrerions chez moi tout de suite… je ferais cuire le boudin et les crépinettes… Ça serait gentil et ça me ferait tant de plaisir !

Il lui demande :

— As-tu de la moutarde ?

— Tiens, dit-elle, c’est drôle, je n’y avais pas pensé.

Il entre chez un épicier, achète un pot de mou-