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Une petite sotte et une petite salope ; la plus grande imbécillité unie à la plus grande dépravation. — Le commerce est, par son essence, satanique… Le commerce est naturel, donc il est infâme », etc… Tout est de cette force. Ces plats paradoxes me feraient presque aimer le plat bon sens de « ce coquin de Franklin ».

Pourtant une chose me touche : c’est de voir combien a peiné ce malheureux pour produire ces extravagances. Il y a en lui une détresse, une angoisse, un sentiment atroce de sa stérilité. Son éditeur nous dit très sérieusement : « Nous ne possédons qu’une vingtaine de feuilles volantes qui se rattachent aux conceptions des romans et des nouvelles que Baudelaire porta vingt ans dans sa tête sans en confier rien au papier. » Les chef-d’œuvre qu’on prémédite vingt ans sans en écrire une ligne… je connais cela. Hélas ! l’œuvre posthume de Baudelaire se réduit presque à des titres de nouvelles et de romans, tels que : Le Marquis invisible, la Maîtresse de l’idiot, la Négresse aux yeux bleus, la Maîtresse vierge, les Monstres, l’Autel de la volonté, le Portrait fatal… Évidemment ces titres lui semblaient très singuliers et très beaux. Mais était-ce pour lui-même quelque chose de plus que des titres ? Sans cesse, dans sa correspondance, il confesse sa paresse, il jure de travailler, et il ne peut pas.

Ce qui me touche encore, c’est son dégoût des hommes et des choses ; de « ce qui est ». Ce dégoût,