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  Tout ce qui ce soir-là nous fit ivres et fous
  Était créé par nous et n’existait qu’en nous…
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
          Enlacée au corps d’une femme,
          Comme l’amant de Rimini,
          Tournoie un instant, ô mon âme,
          Dans le tourbillon infini !

Le bouddhisme, enfin, est le meilleur baume à la pensée souffrante… Quel bonheur, quand on y songe, que tout ne soit que rêve et vanité ! Si tout n’était pas vanité, c’est alors que nous serions vraiment à plaindre. Ne pas être beau, ne pas avoir de génie, ne pas être tout-puissant, ne pas être dieu… rien ne serait plus triste que cette mesquine et misérable condition si elle devait durer toujours ! Il n’y a que le Tout qui soit parfait et qui n’ait rien au-dessus de lui : il n’y a donc que le Tout qui puisse avoir plaisir à être éternel. Mais nous, les accidents, félicitons-nous d’être éphémères et, par suite, de ne pas être bien sérieusement réels. Ah ! le sentiment de la vanité de toutes choses, quel opium pour l’orgueil, l’ambition, l’amour, la jalousie, pour toutes les vipères qui grouillent dans notre cœur quand nous n’y prenons pas garde ! Quelle joie de passer et de n’être rien, puisque les autres êtres ne sont rien et passent !… Oh ! comme cela fait accepter la vie, ce court voyage à travers les apparences ! et comme cela fait accepter la mort !

 ….. Plonge sans peur dans le gouffre béant,
  Ainsi que l’épervier plongeant dans la tempête :