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surface du monde, de la même âme divine. Chaque image qui nous arrive en éveille d’autres, indéfiniment, suscite même la vision confuse de l’Être total. La poésie panthéistique met, si je puis dire, dans chacune de nos sensations, le ressouvenir de l’univers…

Des exemples ? Je vous en donnerais volontiers. Mais quel ennui de choisir !

  Les soirs d’été, les fleurs ont des langueurs de femmes,
  Les fleurs semblent trembler d’amour, comme des âmes ;
  Palpitantes aussi d’extase et de désir,
  Les fleurs ont des regards qui nous font souvenir
  De grands yeux féminins attendris par les larmes,
  Et les beaux yeux des fleurs ont d’aussi tendres charmes.
  Les fleurs rêvent, les fleurs frissonnent sous la nuit ;
  Et, blanches, comme un sein adorable qui luit
  Dans la sombre splendeur d’une robe entr’ouverte,
  Les roses, du milieu de l’obscurité verte,
  Tandis qu’un rossignol par la lune exalté
  Pour elles chante et meurt sous cette nuit d’été,
  Les roses au corps pâle, en écartant leurs voiles,
  Folles, semblent s’offrir aux baisers des étoiles.

Voilà des vers sur les fleurs. En voici sur les mondes. C’est Brahma qui parle :

  Le soleil est ma chair, le soleil est mon cœur,
  Le cœur du ciel, mon cœur saignant qui vous fait vivre.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Je suis le dieu sans nom aux visages divers,
  Mon âme illimitée est le palais des êtres ;
  Je suis le grand aïeul qui n’a pas eu d’ancêtres.