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allons rejoindre la grande armée. Je ne veux pas qu’on se batte sans moi. »

Cela, c’est d’assez bonne et plausible psychologie.

Au quatrième acte, « Mme de Timey raconte son histoire à Wolfgang. Le comte de Timey, qui était un homme très intelligent et très corrompu, a été l’amant de sa mère, femme d’un autre émigré français, Mme d’Evré. Avant de mourir, après sa confession, M. le comte de Timey a voulu épouser Mlle d’Evré, qui était peut-être, et probablement même, sa fille. Le moribond a employé sa nuit de noces à enseigner à sa femme sa corruption morale et sa corruption politique. Il lui a dit finalement : Ma chère fille, je laisse dans votre âme virginale l’expérience d’un vieux roué. Et puis, il est mort. Ainsi, elle s’est trouvée subitement riche, veuve quoique vierge, et pleine d’expérience quoique innocente. »

Cela, c’est du bizarre, du surprenant, du diabolique, du satanique, et Baudelaire a dû être particulièrement satisfait de cette invention.

Mais, au reste, je ne vous ai parlé de ce plan de drame que pour avoir le droit de vous parler, à cette place[1], de Baudelaire lui-même. J’ai passé, en parcourant ses Oeuvres posthumes, par trois impressions. J’ai senti l’impuissance et la stérilité de cet homme, et il m’a presque irrité par ses prétentions. Puis j’ai senti sa misère, sa souffrance intime, et je

  1. Feuilleton dramatique des Débats.