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diligence qui repartait à trois heures du matin. Je n’avais rien vu du tout, et j’éprouvais un désir fou de m’en aller. Mais la diligence n’était pas encore là… Je sentais autour de moi la solitude démesurée. J’entendais dans le lointain des aboiements épouvantables, et je vis dévaler du haut de la colline fauve, à grandes enjambées, des formes blanches… J’eus peur, pourquoi ne le dirais-je pas ? et je rentrai par la fenêtre. Le lendemain et le surlendemain, je vis Boghari, les Ouled-Naïls, Bougzoul, le désert ; je fis un très mauvais déjeuner sous la tente, chez le caïd des Ouled-Anteurs, je crois, près d’une colline couleur de cuir fraîchement tanné, tachée de lentisques, et où il y avait des aigles. Puis, comme c’était un peu trop, pour mon coup d’essai, de huit heures de cheval, je restai en arrière, je m’égarai complètement dans une vilaine et interminable forêt de chênes-liège, et, c’est par miracle que je pus rejoindre mes compagnons. Je me souviens d’un carrefour où j’hésitai longtemps. J’étais persuadé que je prenais le mauvais chemin. Je le suivis tout de même, convaincu que, si je prenais l’autre, ce serait celui-là le mauvais. Et le mauvais chemin, c’était toute la nuit passée dehors. Notez qu’il pleuvait à torrents dans ce pays où il ne pleut jamais… Eh bien ! je me suis, sans doute, figuré depuis que j’avais fait le plus adorable voyage, et je le raconte quelquefois en coupant mon récit décris d’admiration ou de plaisir : mais, quand je rentre en moi-même et que je tâche