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d’une religion inconnue. « Oh ! viens ! viens ! » dit Christine. Et lui : « Non, je veux peindre, j’appartiens à l’art, au dieu farouche : qu’il fasse de moi ce qu’il voudra ! — Mais je suis vivante, moi ! et elles sont mortes, les femmes que tu aimes. » Et Christine s’enlace à lui, s’écrase contre lui, l’emporte comme une proie… Elle le force à blasphémer. « Dis que la peinture est imbécile. — La peinture est imbécile. » Mais bientôt, quand Christine est endormie, une voix appelle Claude. C’est elle, la femme mystérieuse et terrible, la sirène au ventre de joyaux. Elle l’appelle trois fois ; « Oui, oui, j’y vais. » Et Christine, à l’aube le trouve pendu devant l’idole, devant l’ennemie, comme un amant désespéré qui s’est tué aux pieds de sa maîtresse.

Les dernières pages sont lugubres : l’enterrement de Claude, un jour de pluie, dans le misérable cimetière neuf, pelé, lépreux, avec des terrains vagues et, au-dessus, la ligne du chemin de fer. Tandis qu’on enterre Claude, on brûle, dans un coin, un tas de vieilles bières pourries. Et la lamentation de Sandoz s’élève ; car l’artiste triomphant est aussi triste que l’artiste vaincu ; il doute de son œuvre, il doute de tout, et le livre finit par un chant de désespoir. Ce roman de l’artiste est aussi funèbre que le roman de la courtisane, de l’ouvrier ou du mineur.

C’est donc toujours la même chose, et je ne m’en plains pas. Vous trouverez là des figures de second plan pétries d’un pouce puissant : Chêne, Mahoudeau,